Auteurs : Vincent HUGONNOT

Année : 2007

Ile : Porquerolles

Pays : France

Résumé :
Porquerolles occupe une superficie d’environ 1250 ha et apparaît, à l’échelle des bryophytes, comme un immense complexe d’habitats naturels soumis à une pression anthropique plus ou moins forte. Notre étude est basée sur l’analyse de 345 points d’herborisation correspondant à 2397 données floristiques. 117 taxons de bryophytes sont présents à Porquerolles. 21 taxons sont des hépatiques. 2 taxons sont des Anthocérotes et le reste est constitué de mousses au sens strict. Porquerolles est donc plus riche en bryophytes que Port-Cros, qui ne compte, elle, que 101 taxons. 20 taxons existant à Port-Cros ne sont en revanche pas signalés à Porquerolles. Ces 20 taxons proviennent essentiellement d’habitats artificiels calcicoles et d’habitats humides et 9 d’entre eux possèdent une valeur patrimoniale forte. Inversement, 36 taxons existant à Porquerolles n’ont jamais été mentionnés à Port-Cros. L’essentiel de ces 36 taxons provient de biotopes terricoles plus ou moins anthropisés, mais quelques taxons proviennent également d’habitats rocheux humides, de talus relativement frais et ombragés, de maquis bas et des écorces de feuillus. Parmi ces 36 taxons, seuls 6 possèdent une forte valeur patrimoniale. Ce constat global est un bon indicateur de deux caractéristiques de Porquerolles par rapport à Port-Cros, à savoir la plus grande pression anthropique et la rareté encore plus grande des habitats humides. Le bilan global confondu de la flore de l’archipel atteint donc aujourd’hui le chiffre de 135 taxons de bryophytes. Les taxons fréquents dans l’île (Hypnum cupressiforme var. cupressiforme, Trichostomum brachydontium, Weissia controversa, Scleropodium touretii, Rhynchostegiella litorea, Rhynchostegium confertum, Fissidens taxifolius, Tortella flavovirens, Bryum capillare et Bryum dichotomum, Frullania dilatata) sont peu nombreux puisqu’ils ne représentent qu’environ 8,5 % du total des espèces. Au contraire, les taxons rares sur l’île sont très nombreux, et représentent la majorité des espèces, atteignant un total de 57 % de l’ensemble de la bryoflore. Les Pottiacées, les Bryacées, les Brachytheciacées et les Orthotrichacées sont les familles les mieux représentées. Les genres Bryum, Fissidens, Riccia, Cephaloziella, Didymodon, Grimmia, Orthotrichum, Tortula, Syntrichiaet Entosthodon sont les plus riches en espèces à Porquerolles. 5 espèces sont listées au Livre Rouge de la Bryoflore Menacée en Europe : Aschisma carniolicum, Cephaloziella calyculata, Ephemerum sessile, Fissidens ovatifolius et Tortula freibergii. 52 autres taxons supplémentaires sont considérés comme possédant une valeur patrimoniale élevée en raison d’une rareté régionale ou locale. La répartition de chacune des espèces observées en 2005 est présentée sous forme de carte.
Les principaux groupements bryophytiques de Porquerolles sont : 2 groupements corticoles, 1 groupement saprolignicole, 4 groupements saxicoles (1 groupement héliophile, 1 groupement sciaphile, 1 groupement chasmophile à Tortula freibergii et 1 groupement à Atrichum undulatum) et 5 groupements terricoles (1 groupement halophile, 1 groupement des substrats tassés plus ou moins humides, 1 groupement des talus et 1 groupement à Sematophyllum substrumulosum). Port-Cros est apparu plus riche en biotopes hygrophiles, que ceux-ci soient saxicoles ou terricoles.
D’un point de vue bryogéographique, l’île de Porquerolles est un excellent exemple de la diversité des cortèges de Provence cristalline. La tendance méditerranéenne domine largement. Les espèces à large répartition (circumboréales et cosmopolites) représentent un pourcentage fort mais bien inférieur à celui des espèces méditerranéennes au sens large. Les espèces atlantiques sont peu représentées.
Les principaux facteurs d’évolution de la bryoflore sont les incendies, la multiplication des travaux d’urbanisation divers, les travaux liés à l’agriculture, la dégradation du réseau hydrographique, la pollution par les embruns marins, la sur-fréquentation touristique et la prolifération d’espèces de bryophytes ou de plantes vasculaires envahissantes. Ces divers facteurs présentent des effets complexes et variés qui sont brièvement évalués.
La genèse de la bryoflore actuelle du site de Porquerolles est probablement le résultat combiné d’un stock très ancien et sans doute très remanié (appauvri ?) durant les glaciations pléistocènes, d’un stock plus récent, datant de la période post-glaciaire, issu de migrations essentiellement aériennes à partir du continent surtout, et d’un stock très récent, vraisemblablement en pleine évolution, lié à l’activité humaine de plus en plus marquée sur toute l’île.